Dépêches

j

Social

Droit disciplinaire

Un avertissement suivi de pressions pour démissionner s’analyse en une double sanction

L’employeur ne peut pas sanctionner un salarié deux fois pour les mêmes faits (cass. soc. 18 février 2004, n° 02-41622, BC V n° 54). Par ailleurs, lorsqu’il prend connaissance de plusieurs fautes, l’employeur doit sanctionner « en une seule fois ». Il ne peut pas punir certains faits, puis, quelques jours plus tard, prononcer une nouvelle sanction pour les autres faits (cass. soc. 16 mars 2010, n° 08-43057, BC V n° 65).

En général, dans ce type de contentieux, l’action du salarié vise à faire annuler la deuxième sanction ou, si cette sanction consiste en un licenciement, à le faire juger sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, dans cette affaire, les circonstances étaient quelque peu différentes puisque le salarié, agent de sécurité, avait démissionné après avoir fait l’objet d’un avertissement puis de mesures de déstabilisation.

Plus précisément, l’employeur reprochait au salarié d’avoir effectué des achats personnels pendant son temps de travail. Tels étaient les faits à l’origine de l’avertissement, faits qu’avait d’ailleurs reconnus l’agent de sécurité.

Mais l’employeur soupçonnait également le salarié d’avoir dérobé des produits pendant une nuit de surveillance, quelques semaines auparavant. Le jour même de la remise de l’avertissement, il avait en conséquence demandé des explications à l’intéressé, tout en le menaçant de porter plainte et en l’incitant à démissionner.

Deux jours plus tard, l’employeur avait demandé au salarié de restituer le téléphone et la sacoche qui lui avaient été attribués pour effectuer ses astreintes. À cette occasion, il avait évoqué une nouvelle fois le vol dont se serait rendu coupable le salarié.

En arrêt maladie dans un premier temps, le salarié avait démissionné en évoquant le désaccord qui l’opposait à l’employeur et la perte de confiance qui en était résulté.

Pour la cour d’appel comme pour la Cour de cassation, cette démission devait être requalifiée en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur. En effet, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire en adressant un avertissement au salarié. Il ne pouvait donc pas exercer ensuite des pressions en retirant à l’intéressé ses outils de travail d’astreinte et en l’interrogeant à deux reprises de manière informelle sur des faits dont il avait connaissance depuis plusieurs semaines. Ces manquements rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

On peut s’étonner que les juges se soient placés sur le terrain de l’interdiction des doubles sanctions, dans une affaire où il est plutôt question d’une sanction suivie de pressions. Cela s’explique à notre sens par les circonstances de l’affaire. Il fallait bien qualifier juridiquement les mesures d’intimidation prises par l’employeur à la suite de l’avertissement pour caractériser l’abus dans l’exercice du pouvoir disciplinaire.

Accessoirement, et d’un point de vue plus juridique, on rappellera que des demandes d’explications peuvent s’analyser en des sanctions lorsqu’elles revêtent un caractère excessivement contraignant, par exemple parce que le défaut de réponse est en lui-même considéré comme fautif (cass. soc. 30 janvier 2013, n° 11-23891, BC V n° 22 ; cass. soc. 19 mai 2015, n° 13-26916, BC V n° 96). De ce point de vue, une demande d’éclaircissements assortie de menaces de poursuites pénales, comme dans cette affaire, peut à notre sens être considérée comme une sanction.

Cass. soc. 21 décembre 2017, n° 16-14405 D

Retourner à la liste des dépêches Imprimer